L’intelligence artificielle a déjà un impact considérable sur la planète. Quel chemin l’Afrique suivra-t-elle dans cette révolution technologique ?

L’intelligence artificielle n’est plus un concept futuriste ou théorique. Elle est là  ! Elle transforme actuellement les structures de nos économies et sociétés, des systèmes de santé aux chaînes d’approvisionnement agricoles, tout y passe. Selon Statista, le marché mondial de l’intelligence artificielle avoisinait les 135 milliards de dollars en 2023, avec une expansion annuelle moyenne d’environ 27%. L’émergence de l’intelligence artificielle générative et décisionnelle a prouvé sa capacité à étendre les frontières de la productivité humaine. Sa véritable puissance découle non seulement de la technologie, mais aussi des infrastructures qui l’appuient, des données qu’elle utilise et des orientations humaines qui la dirigent. Il est crucial de comprendre ces dynamiques pour prévoir son développement et en exploiter les avantages. ​

À court terme, l’intégration généralisée de l’IA engendrera des améliorations de productivité sans précédent et une automatisation renforcée dans des domaines clés. Par exemple, la startup sud-africaine Aerobotics se sert de l’IA pour analyser des images satellitaires et de drones dans le but d’optimiser la gestion des cultures agricoles, ce qui permet aux agriculteurs de diminuer leurs pertes de 20 à 40 %. Mais ce n’est que le début.

À moyen terme, l’avènement de l’IA autonome pourrait radicalement modifier nos systèmes économiques et politiques. D’après une recherche menée par la Banque mondiale, une automatisation pourrait toucher plus de 40% des postes dans certains pays d’Afrique subsaharienne, mettant en cause les systèmes traditionnels de travail et de gouvernance. Ces changements susciteront des interrogations fondamentales sur la place de l’homme dans un monde où les machines sont amenées à prendre des décisions complexes.

À long terme, des scénarios disruptifs comme la fusion IA-humain ou l’avènement d’une IA généralisée deviendront des réalités tangibles. Pour éviter d’être passif plutôt que proactif dans cette transformation, ces changements exigent dès maintenant une vision précise et une anticipation stratégique.

Toutefois, cette révolution technologique entraîne des défis considérables.
D’un point de vue technologique, l’IA dépend encore des semi-conducteurs et des ressources d’énergie. Par exemple, entrainer un modèle linguistique comme GPT-4 demande des ressources considérables en énergie. Cela met bien en évidence la dépendance à l’égard des infrastructures énergétiques.
D’un point de vue éthique, il est nécessaire de renforcer les cadres réglementaires pour prévenir les abus. En 2021, l’Union européenne a présenté une législation qui exige aux entreprises d’évaluer leurs systèmes d’IA afin de repérer les biais algorithmiques. Cela marque une étape essentielle vers une IA éthique.
Socialement, la résistance face aux transformations économiques – en particulier le chômage dû à la technologie – requiert des mesures proactives pour éduquer et réintégrer les employés touchés.
En fin, sur le plan géopolitique, la maîtrise des infrastructures numériques et des données stratégiques pourrait exacerber les frictions entre grandes puissances, marginalisant ainsi les régions moins préparées.
Ces enjeux tangibles détermineront la position de chaque continent dans cette nouvelle ère.

Ces défis constituent pour l’Afrique à la fois un enjeu et une opportunité historique. Il est hors de question que le continent se limite à être un simple utilisateur d’IA. Pour prévenir une dépendance technologique croissante, il est essentiel de financer des infrastructures numériques souveraines. Il est également nécessaire de concevoir des solutions qui correspondent à ses réalités locales. Au Nigeria, la startup Zipline utilise des drones pilotés par IA pour acheminer des médicaments et des vaccins vers des régions isolées, il a facilité l’accès aux soins de santé, particulièrement dans les communautés rurales mal desservies. Zipline, après s’être établie à Kaduna en 2022, a étendu ses opérations à deux autres États nigérians, et gère actuellement ses activités dans trois États au total. L’ambition est de couvrir davantage d’États dans les années à venir, ce qui pourrait transformer la prestation des soins de santé et stimuler l’engagement économique dans les zones urbaines et rurales.
À court terme, la priorité est d’accélérer le développement des compétences en IA, en formant des ingénieurs et chercheurs africains de premier plan dans le secteur de l’IA et des technologies digitales. À terme, il sera essentiel d’élaborer des régulations solides et des plateformes de données locales pour soutenir la pertinence des modèles d’IA.
Sur le long terme, l’Afrique devrait aspirer à être un acteur mondial dans la création et l’utilisation éthique de l’IA, en capitalisant sur ses forces démographiques et culturelles pour offrir des solutions novatrices et inclusives.
L’IA continuera à redéfinir le monde aussi longtemps que nous l’y autoriserons. L’enjeu est de savoir comment nous allons façonner cette coexistence. Pour l’Afrique, il est impératif de s’engager dès maintenant dans une démarche stratégique, visionnaire et inclusive. La question qui se pose est de savoir : quelle stratégie collective devons-nous adopter pour faire de l’Afrique un leader dans cette ère de l’intelligence artificielle ?


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