Dans nos universités africaines, des centaines de jeunes brillants soutiennent chaque année des thèses, des mémoires, des projets techniques ou scientifiques.
Mais une fois les soutenances terminées, où vont ces idées ? Dans des tiroirs. Dans des bibliothèques. Ou pire, dans l’oubli.
Cette situation n’est plus tenable.
Si nous voulons bâtir une économie fondée sur la connaissance, alors il nous faut impérativement mieux valoriser notre recherche scientifique. Faire en sorte que les idées deviennent des prototypes. Que les prototypes deviennent des produits. Et que les produits deviennent des entreprises ou des solutions d’intérêt général.
Une recherche trop souvent déconnectée du réel
Soyons lucides. La plupart des recherches menées dans nos universités n’ont pas de débouchés concrets. Non pas parce qu’elles sont inutiles — bien au contraire — mais parce que l’écosystème ne permet pas leur maturation. Il manque des liens. Des relais. Des financements. Des partenaires. Des cadres juridiques clairs.
Trop souvent, nos chercheurs travaillent seuls, isolés du monde de l’industrie, des startupers, des investisseurs.
La recherche reste enfermée dans un espace académique qui valorise plus la publication que l’impact. Il faut inverser cette logique.
Valoriser une idée, c’est lui donner une chance de changer le monde.
La valorisation de la recherche, ce n’est pas seulement le brevet ou la publication dans une revue scientifique. C’est l’ensemble du chemin qui permet à une idée innovante de rencontrer un marché, une société, un besoin réel.
Cela passe par :
- le prototypage technique,
- des structures d’accompagnement (incubateurs, accélérateurs, hubs scientifiques),
- des fonds d’amorçage ciblés pour chercheurs-entrepreneurs,
- des unités de transfert de technologie au sein des universités.
Mais cela demande surtout un changement de posture : considérer le chercheur non plus comme un producteur de savoir pur, mais comme un acteur potentiel de transformation économique et sociale.
Des modèles à renforcer, des ponts à construire
Des pays comme le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire ou le Nigeria commencent à structurer des politiques de recherche plus connectées à leurs priorités nationales.
Mais trop souvent, ces initiatives restent isolées, peu financées, ou déconnectées du secteur privé.
Il est temps de bâtir des ponts vivants entre la recherche, les entreprises et les politiques publiques. Ces passerelles doivent être concrètes, agiles, bien financées.
On pourrait imaginer, par exemple, une Plateforme régionale ouest-africaine de transfert de technologie, connectant les universités de Bamako, Dakar, Abidjan et Lagos avec des acteurs industriels et des fonds d’investissement.
Une telle initiative permettrait d’identifier les innovations prometteuses dans les laboratoires, d’accompagner leur maturation et d’en faire des solutions concrètes à des problèmes locaux.
Pourquoi ne pas créer un “label recherche-impact” africain ?
Je plaide pour la création d’un label régional ou national, dans chaque pays, pour identifier et soutenir les projets de recherche ayant un fort potentiel de transformation.
Ce label pourrait ouvrir un accès facilité aux financements, aux incubateurs, aux partenaires techniques.
C’est aussi une manière d’envoyer un message fort : la recherche appliquée est une priorité stratégique pour le développement de l’Afrique.
« Quand un chercheur africain innove, c’est toute une société qui gagne — à condition que son idée ne meure pas dans un rapport PDF. »
L’Afrique a déjà le talent. Elle a les cerveaux.
Ce qui manque, c’est l’audace de faire passer nos idées du labo au terrain.
Et cette audace, nous devons la structurer. Ensemble.
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