Quand la pandémie de Covid-19 a frappé, beaucoup d’entre nous ont eu la même impression : celle d’un système qui devait fonctionner mais qui, pour des raisons profondes, ne parvenait pas à suivre la vitesse de la crise.
Pas seulement au Mali. Pas seulement en Afrique.
Partout, les États ont été débordés.
Mais chez nous, cela s’est ressenti plus brutalement parce que les bases numériques de la santé publique étaient déjà fragiles.
Je me souviens très bien des premières semaines de mars 2020. Nous recevions des messages de partout : des agents de santé perdus devant l’afflux d’informations contradictoires, des citoyens qui ne savaient plus distinguer le vrai du faux, et l’impossibilité matérielle de faire circuler l’information au même rythme que la rumeur.
La question n’était pas technologique. Elle était humaine : comment créer un lien de confiance en pleine tempête ?
C’est dans cet état d’esprit qu’est née l’idée d’ASSA – Assistant Sanitaire Automatique, que nous avons développé à Tuwindi en partenariat avec le ministère de la Santé et le PNUD.
Notre intention n’était pas de “faire une application de plus”, mais quelque chose de plus simple : un outil utilisable par n’importe qui, même avec un téléphone très basique, même dans une langue locale, même au cœur d’un village.
ASSA a donc été pensé autour de ce qui existait déjà dans la vie des gens :
- le SMS,
- WhatsApp,
- Facebook Messenger,
- et, pour ceux qui en avaient les moyens, une petite application mobile.
L’idée était que chacun puisse poser une question, vérifier un symptôme, obtenir une orientation, ou simplement comprendre la maladie dans une langue qu’il maîtrise : français, bambara, songhaï.
Du côté des autorités sanitaires, un tableau de bord permettait de suivre les cas signalés, les zones sous pression et les besoins urgents.
Rien d’extraordinaire sur le plan technique, mais une immense différence sur le terrain.
Avec un peu de recul, deux ans plus tard, je mesure mieux ce que cette expérience nous a appris.
1. L’information est une forme de soin
On parle souvent de médicaments, de lits d’hôpitaux, de respirateurs.
Mais informer, c’est aussi soigner.
Lorsque les gens ont accès à une information claire, dans leur langue, sur un canal qu’ils utilisent au quotidien, ils paniquent moins et ils agissent mieux.
2. La donnée n’est pas qu’une statistique : c’est une capacité d’action
La pandémie a rappelé une vérité simple : sans données fiables, aucun gouvernement n’est capable d’anticiper.
La question n’est pas d’avoir “plus” de données, mais d’avoir des données qui circulent, qui se croisent, qui s’actualisent.
C’est là que l’Afrique doit faire un saut qualitatif.
3. Les solutions locales comptent autant que les solutions globales
Je suis convaincu que l’avenir de notre santé publique dépend de notre capacité à développer nos propres outils, adaptés à nos réalités.
ASSA a été conçu ici. Déployé ici. Mis à jour ici.
Ce n’est pas un détail : cela dit quelque chose de notre maturité technologique.
Aujourd’hui, en 2022, nous ne sommes plus au cœur de la crise.
Mais si nous voulons tirer les leçons de ces deux dernières années, alors une chose s’impose : la santé publique africaine doit devenir numérique de manière cohérente, structurée et souveraine.
Cela ne veut pas dire copier ce qui se fait ailleurs.
Cela veut dire construire une architecture qui nous ressemble :
- interopérable mais pragmatique,
- sécurisée mais accessible,
- moderne mais compatible avec nos réalités linguistiques, géographiques et sociales.
À nous, maintenant, de la poursuivre avec conviction.
Parce que la prochaine crise – quelle qu’elle soit – ne nous laissera pas le temps de réfléchir.
Nous devons être prêts.
Pas seulement avec des outils, mais avec une vision claire de ce que nous voulons pour notre santé publique, pour nos États et pour nos citoyens.
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